Les Etinc’elles #13 : France « la vie est belle, peu importe de quoi demain est fait. »

Bonjour à toutes !!

Je suis trop heureuse de vous retrouver pour une nouvelle Etinc’elle… Et aujourd’hui, j’ai la joie de vous partager le témoignage de France ! Vous connaissiez surement déjà son compte Instagram @mademoiselledefrance, tellement plein de fraicheur et de joie. Eh bien ce qui est chouette c’est que France est encore plus rayonnante « in real life » (enfin, tout est relatif vu qu’on s’est vues par Skype mais quand même) que sur son compte !

Et quand on la voit et qu’on la suit, on ne soupçonne pas ce qu’elle a pu traverser…  Car France a vécu 2 AVC au début de sa vie étudiante. Dans ce témoignage elle nous raconte ce par quoi elle est passée, et nous explique comme ces épreuves ont changé sa vision de la vie !

Je la laisse vous raconter son histoire…

Bonjour France ! Pour commencer, raconte-moi qui tu es ! 

Alors je suis France, j’ai 26 ans, et je suis bretonne pur beurre depuis des générations. J’ai pas mal vécu en Afrique avec mes parents, puis je suis rentrée en France pour mes études et j’ai atterri à Rennes. J’ai fait 2 AVC à Rennes quand j’ai commencé mes études, ce qui a énormément chamboulé ma vie, mais on y reviendra ! Je suis mariée depuis septembre 2018 et maman d’une petite fille, Azénor, qui a 11 mois.

 

Comment as-tu rencontré ton mari ? 

Je l’ai rencontré une première fois parce que j’étais sortie avec son cousin… Ironique non ? On s’est revus un an plus tard à une soirée. J’étais dans un bar, et il est arrivé avec deux copains. Il était collé au bar, avachi et avait l’air d’avoir envie de rentrer chez lui… Alors que moi je faisais des efforts, j’essayais de lui parler et il n’ouvrait pas la bouche. Je n’ai pas du tout apprécié, je  l’ai mis dans la case “petit con” et je m’étais dit “never!”

On s’est revus plusieurs fois à des apéros, des déjeuners entre potes chez lui… A chaque fois je me disais “rhoo qu’est ce qu’il fout là” et lui se disait pareil de son côté ! On a pas mal discuté, jusqu’à cette soirée que j’ai passé chez lui avec des amis. Je crois que c’était la pire soirée de ma vie ! On fait un bénédicité pour l’apéro… Et lui était en chaussons, a déserté de sa propre soirée, ça se voyait qu’il n’avait aucune envie d’être là. Ca ne m’a pas aidée à avoir une bonne opinion de lui. 

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© Louise Vittori

Le lendemain, j’ai envoyé un message à son coloc et à lui pour les remercier, par principe. Alors il m’a proposé de venir dîner le lendemain. J’ai essayé de trouver des excuses, j’ai dit que j’avais chorale, mais j’ai fini par débarquer chez lui à 21h30 en m’attendant à un dîner entre potes avec son coloc. Quand j’ai ouvert la porte j’ai découvert qu’il avait cuisiné pour deux tout l’après-midi et dressé une table avec des chandelles. On a terminé le dîner à 4h du matin, le tout un lundi… je te laisse imaginer ma tête au bureau le lendemain. Et c’est là que ça à vraiment commencé. Il m’a emmenée au cinéma voir La la Land, puis voir une conférence. Il me l’a jouée très vieux jeu, un peu comme dans les films. Il m’a demandé l’autorisation avant de m’embrasser pour la première fois ! Il y avait une partie de moi qui se demandait “mais pourquoi tu m’as demandé l’autorisation?? passe à l’action!” et l’autre qui se disait “mais c’est troooop mignon il la fait à l’ancienne”. 

C’est allé très vite, on s’est fiancés 8 mois après et mariés encore 1 an après, en 2018 dans le Finistère Sud, dans une chapelle bretonne qui m’est très chère. 

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© Louise Vittori

Et vous avez fait ces fameuses photos sur la falaise qui font rêver tout Instagram ! 

Oui je voulais vraiment ces photos face à la mer, on avait calculé en fonction des marées, et là c’est tombé pile au bon moment !  

Puis je suis tombée enceinte, on ne voulait pas attendre trop longtemps avant d’avoir des enfants. En plus nos deux parents de chaque côté ont mis plusieurs années à avoir des enfants, avec des fausses couches… On s’était dit que c’était peut être héréditaire, on ne savait pas combien de temps ça prendrait, donc on s’est dit “autant essayer on verra bien”. On est partis en voyage de noces à Madère, puis il est reparti en mer. Et 4 jours après son départ j’ai découvert que j’étais enceinte… Je le savais déjà plus ou moins, j’avais fait un premier test avant son départ qui était apparu négatif, mais j’étais persuadée de l’être. Après son départ en mer, j’ai découvert le test positif…J’ai tellement pleuré ! Et puis je me suis demandé comment j’allais lui annoncer ! Il était en mer et rentrait 3 mois plus tard, je ne savais pas quoi faire. 

Alors je lui ai écrit un mail. Je lui ai dit “j’ai reçu un mail bizarre concernant un logement, mais c’est pas pour moi donc faut que je te le transfère”. Il a dit ok, il ne comprenait pas trop… J’ai retrouvé le mail que j’avais rédigé pour lui annoncer ! 

Objet : bail de location

Cher monsieur, 

Je me permets de me rapprocher de vous parce que je pense que vous allez pouvoir m’être d’un très grand secours d’ici quelques mois. 

Je viens d’emménager dans un petit appartement vraiment très douillet et super confortable, le genre appartement cocooning extra ++ ! Je suis nourri, logé, blanchi, rien en contrepartie. Sympa non? Le problème c’est que ma propriétaire, une femme absolument charmante, m’a déjà avertie de mon expulsion de l’appartement d’ici quelques mois. Paraît-il que je vais devenir vraiment trop encombrant, trop remuant… Bon ok, je ne fais pas beaucoup le ménage mais bon c’est un peu rude tout de même vous ne trouvez pas ? Sa décision est vraiment sans appel, je lui file la nausée ! Voilà ce qu’elle m’a dit quand j’ai voulu négocier le bail ! 

Ne sachant vraiment pas où aller ce jour car peu autonome, je vous demande gracieusement l’hospitalité au sein de votre foyer. J’espère ne pas avoir l’air d’abuser de votre hospitalité, mais si vous pouviez me prévoir un petit coin, quelques vêtements, un lit chaud, de quoi manger, de quoi faire mes petits besoins ainsi que beaucoup de câlins (j’adoooore les calins, je suis vraiment très très demandeur), je vous serai éternellement reconnaissant. 

Bon, c’est vrai que je ne suis pas le locataire rêvé. Je ne paie pas de loyer – aïe. Quand j’aurai bien pris mes marques, je risque même de céder à mes instincts en fouillant dans vos affaires -aïe aïe. Ah, et une dernière chose. Je ne peux vraiment pas vous promettre de ne pas faire de bruit ni de ne pas gâcher vos nuits, ni de ne pas monopoliser un peu trop l’attention sur moi, mais je peux vous apporter tout l’amour du monde. Et si vous êtes d’accord je pourrais même vous appeler Papa. 

Je dois aussi vous dire que je suis très pressé de vous rencontrer, ma proprio m’a tellement parlé de vous que je vous aime déjà très fort. 

Signé : un petit bout en route

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Oh mais c’est tellement adorable !! Je suis trop émue !!

Je lui ai envoyé le mail, il l’a lu une première fois et n’a rien compris, puis quand il a vu “tu pourras m’appeler papa” il s’est dit qu’il avait raté un truc, du coup il l’a relu et il m’a appelé… Quand il a décroché, il y a  eu un grand blanc, et il a dit “mais c’est vrai?? C’est vraiment vrai?” Et on a  pleuré comme des bébés de chaque côté du téléphone… J’aurais donné n’importe quoi pour voir sa tête ! Je l’ai annoncé à mes parents dans la foulée, parce que j’étais chez eux et maman écoulait tous les restes du mariage, c’était apéros tous les midis, tous les soirs… Ma famille non plus n’a rien compris ! On était en plein apéro, et me voir refuser une coupe de champagne c’est quelque chose qui n’arrive jamais. Quand on m’a proposé du champagne j’ai dit “c’est gentil je vais prendre un coca” et personne n’a compris ! Je n’arrivais pas à en placer une alors que je m’étais fait tout un scénario… Alors j’ai envoyé un texto à tout le monde avec une petite photo de chaussons, pendant l’apéro! C’est papa qui l’a vu en premier, il n’a pas compris, puis maman a explosé en sanglots ! 

Du coup  Azénor est arrivée 9 mois après le mariage, on aime bien faire dans le cliché…

 

Génial ! Félicitations… Maintenant si tu veux bien, est ce que tu pourrais me raconter tes AVC ? 

Alors tout a commencé quand j’ai pris la pilule Diane 35. J’ai été réglée très tard, vers mes 18 ans, et pour que ça se mettre bien en place je suis allée voir un gynéco en Afrique qui m’a dit de prendre la pilule… c’était la pire idée du monde, c’est ça qui m’a causé ces AVC ! Juste après, je suis rentrée en France pour mes études. Et c’est là, à mon arrivée en France, que j’ai commencé à avoir mal à la tête. Je suis migraineuse mais là c’était différent, j’avais mal à la tête depuis 4 jours…

La douleur était différente ? 

Habituellement quand j’ai des migraines je suis nauséeuse, je ne supporte plus la lumière, je dois être allongée dans le noir, c’est l’horreur. Là c’était différent, c’était un point dans la tête,  j’avais les mains qui tremblaient, je ne dormais plus à cause de la douleur. Le médecin m’a donné médicament anti migraine qui m’a fait l’effet d’un smartie. Je suis retournée le voir 2 jours après en lui disant que je n’en pouvais plus. C’était sa remplaçante qui m’a fait un test neurologique : je marchais pas droit, j’avais les mains qui tremblaient toujours… Elle m’a prescrit une ordonnance pour une IRM mais n’a pas marqué que c’était urgent, sachant que pour avoir une IRM il faut compter en moyenne 6 mois ! Impossible d’avoir un RDV tout de suite. J’ai commencé à faire des malaises en cours, au volant, je n’avais plus mes réflexes.

J’ai donc fini par partir aux urgences avec mon ordonnance ! Ils m’ont prise pour une folle, il s’est passé quelques heures avant qu’un médecin me dise “on va vous laisser rentrer chez vous, vous n’avez pas l’air d’avoir tellement mal”. Là je me suis vraiment énervée, je leur ai dit “c’est simple, si vous voulez avoir quelque chose à regarder  je reviens dans une heure avec une balle dans le crâne et là vous aurez vraiment quelque chose à soigner.” 

Ils m’ont enfin fait passer un scanner, et à 23h j’ai vu débarquer le chef de service de neurologie, les chirurgiens, toute la smala dans mon petit box des urgences. pour m’annoncer que finalement je n’étais pas folle, champagne ! 

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Je suis restée 2 mois à l’hôpital. Quand je suis sortie je savais presque plus marcher. J’ai du être deux mois alitée, donc mes muscles ont fondu. La première fois qu’on m’a proposé de m’asseoir, j’ai tenu 15 secondes… Tout m’épuisait : me mettre debout, faire des pas, prendre une douche. 

Vivre à l’hôpital c’est une leçon de vie. J’ai pu prendre une douche seule au bout de 6 semaines. Au début j’étais un peu fière, je faisais une toilette de chat mais au bout d’un moment ça ne me suffisait plus… Et là ce sont des personnes qui sont venues me laver. Et on y pense pas assez mais c’est ce que vivent les personnes âgées. On n’est plus maître de son corps. Au début je me sentais humiliée, c’était horrible. Et puis au fur et à mesure j’ai appris à m’abandonner, à rire avec les personnes qui prenaient soin de moi. Les hospitaliers ne sont clairement pas assez payés, alors que c’est un travail ultra humain. Ca a été une grande épreuve, mais il y a eu aussi des super bons côtés, je me suis notamment fait une amie, une personne qui partageait ma chambre et avec qui je suis toujours en contact aujourd’hui.

Comment s’est passée ta sortie de l’hôpital ?

En sortant je ne tenais pas debout longtemps. Ma maman qui était restée avec moi pendant toute mon hospitalisation à dû repartir en Afrique pour être avec mon frère et mes sœurs, et puis mon père est venu s’occuper de moi. Et ayant été militaire c’est typiquement le genre de personne qui sait entraîner au sport. Il me proposait d’aller prendre l’air, il me faisait marcher malgré mes réticences. Je me souviens de cette balade lors de laquelle on a avancé 200m par 200m sur la plage. Ca a été ma première victoire, avec mon papa. 

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Tu devais être tellement heureuse de cet accomplissement ! Et après, tu pu reprendre le cours de ta vie ? 

Au bout d’un an, on m’a dit que j’étais guérie, que je pouvais arrêter le traitement. J’avoue que je ne les croyais plus trop et c’est encore le cas aujourd’hui, je suis sceptique avec les médecins. J’ai arrêté très progressivement… Entre temps j’ai repris mes activités, j’avais essayé de reconstruire ma vie sociale en dépit de la très grosse dépression que j’ai faite à ce moment-là. 

La rentrée allait démarrer, j’étais cheftaine, et le jour de la rentrée scoute, la date anniversaire de mon premier AVC je me suis remise à avoir mal à la tête. Je me suis dit que c’était psychologique, que ça ne pouvait pas être ça. Le lendemain je suis donc allée à l’hôpital mais malgré mon dossier, je n’avais pas l’impression d‘être une urgence. J’ai attendu toute la journée pour qu’on finisse par me faire un scanner. Il y avait des taches sur le scanner, mais comme ils ne savaient pas ce que c’était ils m’ont dit de rentrer chez moi. Super rassurant…

Le jeudi je suis allée voir mon médecin traitant parce que je tombais dans les pommes : c’est grâce à lui que l’hôpital a accepté de me reprendre. J’ai attendu tout le week end que l’on me fasse un IRM. Au moment où ils me disaient encore une fois de rentrer chez moi, les résultats sont tombés : je faisais une récidive. 

Normalement ça ne m’arrive jamais ! En fait, ils n’avaient pas vu que j’avais une fistule qui a créé un deuxième caillot. Mes parents, qui ont prit un avion en urgence avec mon frère et mes sœurs pour venir me retrouver en France étaient scandalisés, on a  eu les excuses de l’hôpital. Parce que quand je suis arrivée, encore une fois, j’étais à deux doigts de mourir, ou disons qu’il ne me restait plus que quelques jours… 

Comment as-tu vécu cette nouvelle annonce? 

J’étais rassurée de voir que je n’étais pas folle. Ca s’est passé différemment de la première fois, ils m’ont opérée pour prendre des images de mon cerveau en faisant passer une petite caméra dans une artère en partant de la cuisse. Et l’anesthésie, locale, n’a pas fonctionné. Au moment où ils ont ouvert, j’ai entendu “passez moi les écarteurs”, et j’ai hurlé, parce que j’ai eu super mal, je sentais… J’ai fini par tomber dans les pommes pendant l’opération, bref ça ne s’est pas très très bien passé ! Ils m’ont annoncé qu’ils allaient devoir m’opérer pour “colmater la fistule”, avec un produit à l’étude, mais il fallait d’abord que le caillot de sang se résorbe, donc je n’avais pas de date pour l’opération. C’était dur à encaisser. C’est une opération risquée, on risque la paralysie partielle ou totale, la mort… Mais je crois que de tous les effets secondaires, celui qui m’a fait le plus pleurer c’est le fait de perdre ses cheveux. 

Une nouvelle période a commencé, pendant laquelle j’ai vécu à 200 à l’heure, j’ai fait énormément de conneries. J’ai raté mes études, j’en ai fait voir des vertes et des pas mûres à mes parents, à mon frère qui vivait avec moi et à mes sœurs aussi. Je faisais des soirées tous les jours, je cramais la vie par les deux bouts. C’était une période très sombre. J’avais en tête que je risquais de mourir pendant l’opération, et avant je voulais avoir tout vécu. Il y a  certaines choses que je regrette, d‘autres pas du tout, c’était ma vie à l’instant T et on ne peut pas changer les choses. J’ai même fini par arrêter mon traitement en me disant “quitte à mourir, j’arrête tous mes traitements et advienne que pourra”. Résultat j’ai terminé à l’hôpital en hospitalisation pendant 2-3 jours.

L’opération a finalement eu lieu. Et en fait, il ne s’est rien passé. Le fistule n’était plus là, ce qui est assez extraordinaire car ils avaient fait une IRM de vérification une semaine avant pour vérifier qu’il était toujours là, mais quand il s ont ouvert il n’y avait plus rien. Un médecin m’a dit en douce que c’était un miracle…

Pendant cette année là j’ai revu un gynéco qui m’a complètement traumatisée : elle m’a dit qu’avec mon passé je pouvais oublier les enfants, que c‘était bien trop risqué. Je suis sortie de ce rdv en larmes… Heureusement, après ça j’ai vu un autre médecin qui m’a bien rassurée sur ce point là, ça allait être risqué, mais c’était possible. 

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Quel a été l’impact de ces AVC sur votre projet d’enfant et ta grossesse? 

J’ai été sous médicaments toute ma grossesse, j’avais des rendez-vous tout le temps. C’était assez flippant, surtout pour mon mari qui n’était pas là. 

On a eu pas mal de péripéties, notamment à 3 mois de grossesse juste avant son retour. Je me suis mise à perdre du sang, et j’ai tout de suite pensé que je faisais une fausse couche. C’était la fin du monde. Je suis allée aux urgences, j’avais Geoffroy au téléphone. c’était extrêmement difficile de ne pouvoir partager ça que par téléphone. A l’hôpital je suis tombée sur des gens pas très humains, qui m’ont tendu une serviette hygiénique en me disant d’aller attendre dans la salle d’attente… J’étais toute seule, en larmes, à attendre. Une dame m’a vue pleurer et m’a donné un paquet de mouchoirs, puis une gentille interne est arrivée, elle m’a presque prise dans ses bras et m’a emmenée dans la salle d’échographie. Je ne voyais pas l’écran, je voyais que les médecins faisaient des têtes bizarres, j’avais du mal à respirer… Puis ils ont fini par me montrer l’écran en me disant “regardez, là on voit votre bébé”, puis ils m’ont fait écouter le cœur, j’étais tellement soulagée ! Mais il y avait un problème, une poche de sang qui s’était formée près de la poche du bébé. Soit elle allait se résorber toute seule, ce qui expliquait la perte de sang, soit ça allait provoquer une fausse couche. 

C’était un moment très éprouvant. En plus je prenais des anticoagulants, donc je saignais énormément ! Geoffroy était paniqué en mer à l’autre bout du monde, il ne pouvait rien faire… Et finalement on a eu de la chance, je suis rentrée, je saignais de moins en moins et le bébé s’est accroché ! 

Pendant ma grossesse j’ai été suivie comme le lait sur le feu, j’ai accouché 3 semaines en avance, 4 jours après le retour du papa (il était reparti en mer entre temps). Je pense que le bébé s’est dit “ça y est maman est cool je peux y aller” ! 

Génial ! Trop forte cette petite Azénor ! Je suis trop heureuse pour vous, comme quoi il ne faut jamais perdre espoir ! Et en parlant d’espoir, je me demandais : qu’est ce que ces épreuves que tu as vécu, tes AVC, ont changé dans ta vie ? 

Je ne vois vraiment plus les choses comme avant. J’ai fait une grosse dépression après mon premier AVC. J’ai voulu vivre ma vie à 200 à l’heure. Je voulais être normale, c’est ce qui m’a perdue. J’ai fait les 400 coups, je me suis mise en danger, comme si je voulais tester mes propres limites. Je vivais dans une bulle. Je me souviens d’une fois ou je me suis assise sur les marches de l’opéra à Rennes, on devait être en fin de journée. Et je voyais le monde défiler autour de moi. C’était un peu comme dans les films, quand la personne est assise et que l’on voit la vie qui défile autour d’elle à toute vitesse. J’avais l’impression de vivre ça tout le temps, de ne pas être au même rythme que les autres. Et je ne voulais pas du tout le reconnaitre. J’ai eu beaucoup de soutien, du soutien dont je ne voulais pas forcément parce que je ne voulais pas reconnaître que j‘étais malade. 

Aujourd’hui, l’expression “vivre au jour le jour” a énormément de sens pour moi. Ma grand-mère disait toujours qu’il fallait profiter de l’instant présent. Ca me passait un peu au dessus, vivre l’instant présent oui, mais comment? Très peu de gens y arrivent vraiment, on est tous pris par le tourbillon de la vie. J’ai appris à apprécier ces moments où le temps s’arrête : je me dis que la vie est belle, qu’on s’en fiche de savoir de quoi est fait demain. On a de la chance d’être là, c’est tout. 

Autre chose, très important pour moi aujourd’hui. La santé on en a qu’une, et c’est un énorme cadeau. Malheureusement il y a des gens qui s’en fichent, par exemple, les gens qui fument. Je ne supporte pas que l’on fume à côté de moi. Evidemment les gens font ce qu’ils veulent, je vais pas prendre leur clope et leur dire “c’est pas bien”, mais je ne supporte pas voir quelqu’un se flinguer la santé. La vie ne tient qu’à un fil ! 

J’ai beaucoup de mal avec la phrase “de toute façon il faut bien mourir de quelque chose!” Certes, on va tous mourir de quelque chose, mais moi j’ai envie de mourir de vieillesse dans mon lit. Maintenant que j’ai ma fille je ne supporte pas que les gens fument à côté d’elle parce que ça la rend fumeuse passive. Ma grand mère est morte d’un cancer et mon grand père fumait, et je n’ai pas envie que ça m’arrive. 

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© Louise Vittori

 

Au moment où j’ai fait mes AVC, je me suis énormément demandé “mais pourquoi moi?” et concernant l’église, je remettais tout en question. Je me demandais ce que j’avais fait pour vivre ça. 2-3 mois après la sortie de l’hôpital, à Rennes, j’ai décidé d’aller à la messe. C’est comme ça, à la sortie de la messe, que j’ai rencontré le père Hubert de Passemar qui est devenu mon père spi. Je suis allée le voir, je lui ai raconté ce que je venais de vivre et je lui ai dit que je voulais rencontrer d’autres gens et aider la paroisse. Il m’a parlé de son aumônerie, c’était tous les mercredi soir. Ca m’a énormément soutenue, j’y ai rencontré des amis incroyables. Quand j’ai fait mon deuxième AVC, le père de Passemar m’a dit que cela avait créé comme un petit feu dans l’aumônerie. J’ai eu énormément de visites, tout le monde a débarqué dans ma chambre à l’hôpital, et on m’a confié la présidence de l’aumônerie juste après, et ça a été pour moi une preuve de confiance et d’amitié incroyable.

Je crois beaucoup aux petits signes du destin, je me dit que si je me suis retrouvée à cette messe là et que je suis allée parler à ce prêtre, ce n’était pas pour rien, comme si Dieu avait mis des petits cailloux pour me guider là où je devais aller. 

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Le père m’a vue plusieurs fois débarquer en larmes parce que je ne savais plus quoi faire de ma vie. Et le jour ou je me suis fait opérer, je me souviens lui avoir demandé de me donner à nouveau l’onction des malades. Il l’avait déjà fait, mais j’avais besoin de ça… Il est venu à l’hôpital, mes parents étaient là mais ils n’ont pas pu rester, c’était trop dûr pour eux sachant que juste avant j’avais signé des papiers de non-réanimation…

Ce jour-là le père de Passemar a dit à mes parents que je l’avais perturbé dans sa foi, ce que je trouve incroyable de la part d’un prêtre. Il a expliqué que cette histoire avait remis sa foi en question, parce qu’il se demandait “pourquoi?” il devait me donner l’onction des malades une deuxième fois. Un autre jour il a dit à ma maman; “je pense que si tout cela est arrivé à France et qu’elle est toujours en vie aujourd’hui, c’est qu’il ya  quelque chose de prévu pour elle. Je ne sais pas quoi mais c’est à elle de le découvrir”

camille bavarde les etincelles

Incroyable… Comme, on dit, les voies du Seigneur sont impénétrables ! Quelle histoire ! Je suis si heureuse pour vous que tout se soit bien terminé, vous formez une magnifique petite famille tous les 3.

Maintenant si tu veux bien, je vais te poser les 3 petites questions qui clôturent toutes mes interviews. 

Pour toi, qu’est ce que la féminité ? 

Pour moi la féminité ce n’est plus juste un simple terme, je trouve que cette question est compliquée dans le sens où dans notre société actuelle on essaie de mettre absolument tout le monde dans une case. 

Quand on entend le mot « féminité » on s’attend à une définition précise or je pense que ce mot comme d’autres d’ailleurs ne fait vraiment sens que dans la vraie vie. 

Pour moi la féminité est en constante évolution, on se construit tous les jours, personnellement je ne suis pas la même tous les jours; je suis comme de la pâtes à modeler j’ai des jours avec des humeurs et des envies différentes, des jours où je suis féminine, des jours où je n’ai qu’une envie c’est de rester en pilou pilou allongée sur mon canapé… hum… 🤪 

Bref pour moi la féminité c’est énormément de choses, mais c’est surtout d’apprendre à s’aimer sois même et clairement ce n’est pas facile tous les jours ! 

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© Les Photographies de CM

Selon toi, quel est le rôle, la mission de la femme dans la société actuelle? 

J’adore les clichés mais pour moi les femmes aujourd’hui n’ont pas une mission mais plutôt un devoir, celui de faire grandir les Hommes avec un grand H, celui de faire grandir la société et de ne pas prendre les droits que nous avons tendance à prendre pour des acquis. 

Nos grands mères et nos grands pères se sont tous battus pour différentes choses et divers raisons, et aujourd’hui je pense qu’ils seraient surement triste de voir que souvent nous n’avons pas le courage de nous battre pour défendre nos idées ou de simplement ne pas être des moutons…

Je ne dis pas qu’il faut sortir dans le rue et crier ce que l’on pense mais pour moi il est important de ne pas oublier d’où nous venons et l’histoire qui fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Et si nous ne sommes pas capable de défendre qui nous sommes aujourd’hui, qu’est ce que nous serons capable d’enseigner aux nouvelles générations ? l’art de tweeter ou l’art de prendre vraiment parole et de faire bouger les choses ? vous avez 4h ! ha ha ha ha ! 

Enfin pour en revenir a la mission de la femme dans la société actuelle; être une femme c’est génial mais parfois c’est compliqué, et c’est parce que ce n’est pas simple tous les jours qu’il faut faire en sorte que ça soit mieux demain. 

Que dirais-tu à la jeune fille que tu étais à 15 ans ? 

Oulalala… je commencerais par la prendre dans mes bras pour lui donner du courage pour les années qui vont suivre ! Je lui dirais qu’il va y avoir des moments très difficile à vivre mais qu’il ne faut pas qu’elle se laisse abattre et que surtout, que malgré les épreuves qu’elle aura à surmonter, elle en sortira plus forte, plus heureuse et prête pour le reste de sa vie même si elle lui réservera sûrement encore son lot de surprises ! 

Et puis je terminerai avec la fameuse phrase que ma grand mère disait “profite de l’instant présent”. 

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