J’ai eu la chance de recevoir le sacrement de confirmation à Notre Dame de Paris. Et ce soir, je suis passé en quelque sorte du déni à la tristesse, cette profonde tristesse, et cette impression douloureuse que quelque chose m’a été enlevé. Je l’ai pourtant vu brûler, et rien qu’en écrivant ces mots les larmes me montent. Cette sublime cathédrale qui malgré sa grandeur et sa majesté fait résonner en moi quelque chose de profondément intime et doux. C’est comme si j’avais vu brûler la maison de mon enfance. Notre Dame m’a accueillie au creux de ses voutes, elle m’a protégée par sa forêt de poutres en chêne, elle m’a fait frissonner lors que j’ai reçu ce si beau sacrement. N’est ce pas mystérieusement sublime, un édifice fait de pierres et de bois, si grand, si impressionnant, mais qui nous prend dans ses bras centenaires et nous donne l’impression de nous serrer contre son choeur lorsque l’on en franchit les portes?
Notre Dame m’a serrée contre son choeur, et aujourd’hui elle a été engloutie dans les flammes. Je n’ai jamais perdu quelqu’un de cher, j’ai cette grande chance. Et si je ne peux pas prétendre connaitre cette douleur, je pense tout de même que je vis cet incendie comme un deuil. La vie continue, mais de temps en temps la pensée de ce drame s’invite et pèse, étouffante, de plus en plus réelle au fil des jours.
J’ai eu la chance de recevoir le sacrement de confirmation au sein de cette merveille. C’est un souvenir à double tranchant où se mêlent le privilège d’avoir été accueillie par Notre Dame pour ce moment si précieux, mais aussi le douloureux sentiment que l’on m’arrache un morceau de moi, un moment de ma foi, un lieu qui m’a fait grandir.
Et je me demande, en ai-je assez profité? Je regarde la tour Eiffel aujourd’hui et je suis remplie d’amertume, celle que je trouvais si belle devient tout à coup à mes yeux embués petite, grise, sale, sans intérêt. Ai-je suffisamment regardé Notre Dame ? Ai-je suffisamment profité des messes en son sein? Je ne crois pas. Si j’avais su… Mais comment savoir? Comment imaginer cela, ne serait-ce qu’un instant ?
Je repense à ce lundi soir, le spectacle terrifiant de Notre Dame remplie de flammes. je me disais « c’est irréel, c’est irréel ». Et nous chantions des Je Vous Salue Marie, et par nos chants nous espérions contribuer nous aussi à repousser les flammes. Quelle tristesse, quel déchirement. Mais quel beauté de nous voir réunis, de nous voir chanter, de nous voir prier ensemble dans la rue.
Je pense à ces hommes qui ont bâti Notre Dame. À ces arbres plantés uniquement dans le but de composer sa charpente, quelle belle destinée. À ces siècles qui ont défilé sous sa voute, ces personnes qui ont été touchées et qui ont eu dans la majesté de Notre Dame un aperçu de la grandeur de Celui pour qui elle a été édifiée. Je pense à toutes les personnes qui ont reçu des sacrements sous sa voute. Je pense à tout ceux qui n’ont jamais pu la voir de leurs propres yeux. Je pense à l’Eglise qui souffre tant en ce moment, cette Eglise traumatisée, mise à feu et à sang par des actes abominables parce qu’elle est composée d’êtres humains, se force et sa faiblesse. Je pense aux pompiers héroïques qui ont sauvé notre cathédrale.
Je pense aux femen qui y ont manifesté seins nus. Je me demande comment elles se sentent, sont-elles satisfaites? Heureuses? Ou se sentent-elles coupables? Je ne sais pas. Je pense à toutes les églises vandalisées, dont personne ne parle. Je pense à la personne qui est responsable de l’incendie par négligence, qui doit atrocement souffrir de ce sentiment de culpabilité. J’espère qu’elle se sentira un jour apaisée sachant qu’elle a été pardonnée. Je pense aux quelques personnes qui se sentent satisfaites de voir brûler ce haut-lieu de notre religion. Je pense à la France qui tombe si bas, dans laquelle je ne me sens plus à ma place parfois, car certaines valeurs qu’elle véhicule sont si éloignées de mes idéaux, car certaines choses portées comme des droits m’arrachent le coeur. Je vais surement perdre quelques abonnés en écrivant ça, mais peu importe… Peu importe.
Et enfin je pense à ce que j’ose appeler des miracles qui ont eu lieu lundi : aucune victime, le coq de la flèche retrouvé intact avec les trois reliques qu’il contenait, le Trésor sauvé par les pompiers et leur aumônier qui est entré dans l’église avec eux, les statues sauvées, et enfin, cette croix et la Pieta…
« À l’intérieur de Notre-Dame de Paris, au cœur des décombres et des gravas, la Croix est là. Debout. Elle semble intacte. Douloureuse et lumineuse à la fois. Victorieuse du mal. Pas loin, Marie est là,sa statue en témoigne toujours
Cette photo vaut toutes les homélies. #NotreDame« . Abbé GrosJean
Ce soir j’avais seulement besoin d’écrire quelques mots pour exprimer cette douleur et ce choc. Je regrette l’époque de mon adolescence ou le moindre sentiment, heureux ou malheureux, m’inspirait un poème. Aujourd’hui j’ai perdu cette inspiration, aussi puissante qu’éphémère. Je n’ai plus que quelques mots de prose pour raconter mes pensées.
Ces mots ne parleront pas à tout le monde c’est certain. Mais je souhaitais vraiment les partager avec ceux qui les comprendront et qui s’y reconnaitront.
La semaine sainte la plus intense de ma vie. Mais vous savez, le simple fait de regarder cette photo m’apaise et me redonne de l’espoir. Ou plutôt, L’Espérance…
Vivement Pâques ❤
Photo de couverture de l’article par Jeremy Melloul
Photo de la croix par Philippe Wojazer